SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.42 número2Ficciones emotivas para la educación retórica en tres fábulas de Aftonio índice de autoresíndice de materiabúsqueda de artículos
Home Pagelista alfabética de revistas  

Servicios Personalizados

Revista

Articulo

Indicadores

Links relacionados

  • No hay artículos similaresSimilares en SciELO

Compartir


Nova tellus

versión impresa ISSN 0185-3058

Nova tellus vol.42 no.2 Ciudad de México jul./dic. 2024  Epub 25-Nov-2024

https://doi.org/10.19130/iifl.nt.2024.42.2/000s22x0q111 

Artículos

Causalité sans démiurgie. Le Premier principe de Numénius d’Apamée et son activité causale1

Causality without Demiurgy. The First Principle of Numenius of Apamea and its Causal Activity

aIstituto Italiano per gli Studi Filosofici, Italia, evolpe@unisa.it


Résumé

La pensée de Numénius représente un élément de nouveauté au sein du platonisme antique, dans la mesure où, d’une part, sa conception du principe reste fidèle aux aspects fondamentaux du médioplatonisme, tandis que, d’autre part, elle semble anticiper la conception néoplatonicienne de la transcendance absolue du Premier principe.

Le but de cet article est d’étudier systématiquement la conception du premier principe selon Numénius, en approfondissant certains aspects apparemment contradictoires. En particulier, je me concentrerai sur la nature du premier dieu en tant que cause, en réfléchissant à la manière dont Numénius tient ensemble la conception d’un dieu absolument simple et, en même temps, d’une cause et d’un « démiurge ». Ce que je cherche à montrer, c’est qu’il n’y a pas de contradiction dans la conception du Premier dieu de Numénius, mais qu’il s’agit seulement d’une tentative originale, dans la vision médioplatonicienne, de maintenir ensemble deux aspects fondamentaux du principe : sa simplicité absolue et sa causalité active.

Mots-clés: Numénius; Premier dieu; médioplatonisme; démiurge; causalité

Abstract

Numenius’ thought represents an innovative element within Middle Platonism. In one respect his conception of the principle remains faithful to the fundamental aspects of Middle Platonism, while in other respects it seems to anticipate the Neoplatonic conception of the absolute transcendence of the first principle.

The purpose of my paper is to systematically investigate the conception of the first principle according to Numenius, delving into some only seemingly contradictory aspects. In particular, I will focus on the nature of the first God as a cause, reflecting on how Numenius holds together the conception of an absolutely simple god who is both cause and “demiurge”. What I aim to show is that in Numenius there is no contradiction in his conception of the first God, even though he calls it “demiurge”, but his is only an original attempt in the Middle Platonic view to hold together two fundamental aspects of the principle: its absolute simplicity and its active causality.

Keywords: Numenius; First God; Middle Platonism; Demiurge; Causality

1. L’originalité de Numénius dans le moyen platonisme par le rapport entre le Premier et le deuxième dieu

On peut raisonnablement affirmer que le dénominateur commun de la tradition du platonisme impérial est un esprit dogmatique répandu, c’est-à-dire le besoin, de la part des interprètes platoniciens anciens, de rechercher dans les dialogues une unité de doctrine qui pourrait justifier l’interprétation de la pensée platonicienne comme système métaphysique complet.2

Le retour au dogmatisme, probablement né en opposition à l’approche sceptique de l’académie, a donné lieu à une série d’interprétations différentes de la doctrine platonicienne, reproposée à travers une fusion tantôt avec les doctrines stoïciennes, tantôt avec les doctrines aristotéliciennes, et même à une récupération de l’ancien pythagorisme dans une clé platonicienne.3

L’un des points centraux qui caractérisent l’ensemble du cadre théorique du moyen platonisme est une conception du Premier principe au sein d’un système métaphysique, qui s’identifie avec l’être en soi. Comme on le sait, ce n’est que depuis Plotin que l’on peut parler d’une transcendance absolue de l’Un comme au-delà de l’être.4 Dans le moyen platonisme, en revanche, le Premier principe équivaut à l’être dans sa forme la plus élevée.

Mon objectif dans cet article est d’analyser la nature du Premier dieu chez Numénius d’Apamée, afin de mettre en évidence une évolution dans la conception moyen platonicienne du principe. Numénius est en effet le premier auteur à séparer le démiurge du Premier dieu.5 Cette position de Numénius s’avère tout à fait originale dans le paysage moyen platonicienne, puisque d’importants exégètes, tels que Plutarque et Atticus, avaient identifié le démiurge au bien.6 Si donc le démiurge est distinct du Premier dieu, il faut analyser dans quel sens le Premier et le second dieu exercent leur action causale respective.

Sur la base de ces considérations préliminaires, mon analyse se concentrera sur la causalité du Premier dieu. Une telle analyse est opportune, car elle permettrait de préciser en quel sens le Premier dieu est aussi appelé démiurge (frr. 16 ; 21 dP = 24 F ; 29 T).7 De nombreuses études ont été consacrées à Numénius et aux fragments dont il est question ici, mais, à ma connaissance, aucune n’a analysé de manière systématique la nature causale du Premier principe par rapport aux niveaux inférieurs de la réalité.

2. Les caractéristiques ontologiques du Premier dieu de Numénius: Être, Pensée et Essence

Comme nous l’avons déjà mentionné, l’aspect le plus original de la pensée de Numénius consiste en une séparation ontologique (et théologique) entre le Premier et le second dieu. Le Premier correspond à l’Idée du bien de la République,8 et le deuxième est une référence explicite au démiurge du Timée.9 La différenciation entre le démiurge et le bien a des conséquences théoriques décisives, car elle rompt le schéma moyen platonicienne classique selon lequel le Premier dieu est démiurgique, agissant par l’intermédiaire des Idées.10 Cette nouvelle approche à la nature du Premier dieu conduit également Numénius à repenser sa dimension ontologique ; le premier dieu, en tant que bien en soi, doit être absolument premier par rapport à tous les autres aspects de la réalité, y compris le démiurge, qui est le deuxième dieu. Mais quelle est la conception numénienne du Premier dieu ? Et dans quelle mesure s’agit-il d’une reprise de l’Idée du Bien chez Platon ?

Il y a plusieurs endroits où Numénius fait allusion à la nature du Bien, mais les fragments les plus significatifs sont ceux dans lesquels une distinction entre le Premier et le second dieu est soulignée. Dans le fr. 17 dP (25 F), par exemple, Numénius dit que le Premier dieu est l’être en soi (ἀυτόον) et qu’en outre il est un νοῦς, c’est-à-dire le Premier intellect (πρῶτος νοῦς) comme plus vénérable et plus divin (πρεσβύτερος καὶ θειότερος) que le second dieu. Cette définition du Premier dieu comme intellect (νοῦς) est également reprise dans le fr. 16 dP (24 F), où il est défini comme le principe plus vénérable et la cause (πρεσβύτερον καὶ αἴτιον).

Le langage utilisé par Numénius réunit les éléments théologiques et métaphysiques d’une matrice platonicienne. Dans le fr. 17 dP (25 F), par exemple, la priorité du dieu est établie sur la base d’une priorité ontologique et théologique vis-à-vis du démiurge, ce qui dérivé de l’exégèse de Tim. 28c3-5, dans lequel Platon établit la difficulté pour l’homme de communiquer l’essence de la cause de l’univers.11 En outre, la supériorité du dieu est également rappelée en référence à la République, dans laquelle l’Idée du Bien est définie au-delà de l’essence par la dignité et la puissance (ἐπέκεινα τῆς οὐσίας πρεσβείᾳ καὶ δυνάμει). Il y a donc deux caractéristiques fondamentales qui émergent dans la description du Premier dieu : priorité ontologique et causale.

Il est essentiel de souligner cet aspect, car il est parfaitement lié à ce que Platon dit dans la République, définissant l’Idée du Bien comme la partie la plus brillante de l’être (τὸ φανότατον τοῦ ὄντος).12

Le Premier dieu est ainsi distingué du second sur la base d’une « hiérarchie ontologique » entre le bien et le démiurge. L’activité du Premier dieu porte en effet sur les entités intelligibles, tandis que celle du second porte à la fois sur l’intelligible et le sensible.13 On dit aussi que le Premier dieu est simple en ce sens qu’il est tourné vers lui-même, tandis que le second a une double activité, ce qui fait qu’il est un intellect contemplatif et,14 en même temps, un dieu qui travaille la matière.15

Mais avant d’entrer plus précisément dans les relations causales du Premier dieu, il est nécessaire de s’arrêter brièvement sur le fait qu’il ne peut être considéré comme une entité au-delà de l’être. Il convient de citer intégralement le fr. 2 dP (11 F) :

De son côté, Numénius, dans ses livres sur le Bien, interprète la pensée de Platon en l’exposant de cette manière :

Nous pouvons tirer la notion de corps de la comparaison des choses semblables et par les marques des objets présents à nos yeux ; le Bien, au contraire, aucun objet présent ni non plus aucun sensible qui lui ressemble ne donnent quelque possibilité que ce soit de le saisir. Mais voici ce qu’il faudra faire. Comme si quelqu’un, installé dans un tour de guet a une fois aperçu, d’un regard perçant, d’un seul coup d’œil, unique, isolée, abandonnée, enveloppée par les flots, une petite barque de pêche, un de ces esquifs qui s’aventurent seuls, de même doit-on s’écarter bien loin du sensible pour s’entretenir avec le Bien seul à seul, là où il n’y a ni homme, ni vivant quelconque, ni corps grand ou petit, mais une solitude indicible, proprement inénarrable, divine, là où se trouvent le séjour du Bien, ses passe-temps, ses fêtes, et le Bien lui-même, paisible, bienveillant, lui le Tranquille, lui le Souverain, que porte souriant l’Essence qu’il transcende. Et si quelqu’un, collé au sensible, s’imagine voir le Bien voler à lui, et là-dessus, dans la volupté, croit avoir rencontré le Bien, il se trompe du tout au tout. En réalité, il faut pour cela une méthode non pas aisée mais plus qu’humaine ; le mieux, c’est de négliger le sensible, de s’empreindre pour les sciences d’un enthousiasme juvénile, de considérer les nombres, pour apprendre, à force d’attention, l’objet de la science suprême : ce qu’est l’Être.16

L’aspect principal qui ressort de ce fragment est la possibilité de connaître le Bien. De même qu’un sentinelle voit la terre depuis le navire, dit Numénius, de même l’homme peut saisir la nature du Bien par une connaissance instantanée.17 Cette perspective est compatible avec le fr. 17 dans lequel Numénius ne dit pas que le Premier dieu est inconnaissable, mais totalement inconnu (παντάπασιν ἀγνοούμενον) des hommes, suggérant que le Bien est dans une certaine mesure connaissable, bien que pas par la majorité des hommes ; en fait, la connaissance du bien seul à seul (μόνῳ μόνον),18 dans le sens d’une condition de l’âme humaine qui est en contact avec le principe.

Mais quelle est la portée de la cognoscibilité en ce qui concerne le Premier dieu ? L’expression fondamentale est qui transcender l’essence (ἐπο­χούμενον ἐπὶ τῇ οὐσίᾳ),19 qui semble faire allusion à une transcendance absolue du Premier dieu. Cependant, comme Alexandra Michalewski l’a souligné à juste titre, la portée de la transcendance du Premier dieu n’est pas (encore) celle de l’Un plotinien, qui transcende à la fois l’être et la pensée.20 En quel sens, alors, le Premier dieu est-il au-dessus de l’essence ? Comme nous l’avons mentionné précédemment, Numénius me semble plutôt fidèle au texte de la République en affirmant que le Premier dieu est au-delà de l’essence, mais pas audelà de l’être.

Selon Dillon, la réflexion numénienne sur l’être révèle une certaine tension de l’auteur dans la définition du Premier dieu, selon laquelle Numénius serait à cheval entre les traditions moyen platonicienne et néoplatonicienne, initiant en quelque sorte cette tendance à l’hyper-transcendance du principe, sans toutefois la mener à son terme, comme le montre le fait que le Premier dieu est également désigné comme intellect et non au-delà de l’intellect.21

D’un point de vue lexical, Fabienne Jourdan souligne que Numénius transforme l’expression platonicienne ἐπέκεινα τῆς οὐσίας en ἐποχούμενον ἐπὶ τῇ οὐσίᾳ, faisant ainsi allusion à une sorte de suprématie « de contact » du bien sur l’essence.22 La conception numénienne du bien n’est donc pas celle d’une transcendance absolue, puisqu’elle ne transcende pas l’être in toto, mais seulement ses déterminations particulières. Le bien de Numénius s’identifie en effet à une sorte de réalité dans laquelle les Idées sont dans une condition d’unité totale et indistincte,23 comme semble également le confirmer Proclus dans la mesure où il identifie le Premier dieu de Numénius avec le vivant intelligible du Timée dans le fragment 22 dP (30 T).24

En ce qui concerne la possibilité de la connaissance du bien, Numénius ne nous donne pas beaucoup d’informations mais, sur la base de ce que nous avons dit jusqu’à présent, il semble possible de conclure que la saisie du bien peut être établie dans les termes d’une connaissance de nature épistémologique-dialectique.25 Numénius ne s’exprime pas exactement en ces termes, mais le fait que le Premier dieu ne soit pas caractérisé par une transcendance absolu, comme pour les néoplatoniciens, suggère à mon avis qu’il peut être appréhendé par une démarche noétique plutôt que mystique.26

Il convient également de s’attarder ici sur le fr. 16 dP (24 F), dans lequel le Premier dieu est décrit à l’aide de concepts tirés de la République:

Si l’essence et l’Idée sont de l’intelligible et si l’Intellect leur a été reconnu antérieur et supérieur, comme leur cause, c’est lui seul qui s’est avéré le Bien. En effet, si le Dieu démiurge est principe du devenir, il suffit au Bien d’être celui de l’essence. Proportionnellement, ce qu’est au Bien le Dieu démiurge, qui en est l’imitateur, le devenir l’est à l’essence, lui qui en est l’image et la copie. Or si vraiment le démiurge du devenir est bon, sans doute aussi le démiurge de l’essence sera le Bien en soi, connaturel à l’essence. Car le Second, qui est double, produit de lui-même sa propre Idée et l’univers, comme démiurge ; après quoi, il s’adonne entièrement à la contemplation. Pour conclure notre raisonnement, posons quatre noms correspondant à quatre entités : a) le Premier Dieu, Bien en soi ; b) son imi­tateur, le démiurge, qui est bon ; c) l’essence, qui se dédouble en essence du Premier et essence du Second ; d) la copie de celle-ci, le bel univers, embelli par sa participation au beau.27

Le Premier dieu est ici présenté en opposition substantielle au second, qui a pour caractéristique d’être un imitateur du Bien, jouissant ainsi d’une moindre perfection ontologique. La caractéristique principale du Premier dieu est de correspondre à l’essence mais, en même temps, de la transcender dans une certaine mesure. En effet, le Premier dieu est défini comme Bien en soi (αὐτοαγαθόν) et Premier intellect.28 Ainsi, les éléments que nous avons jusqu’à présent associés au Premier dieu sur la base des fragments susmentionnés reviennent. La tension qui caractérise la pensée de Numénius est également évidente dans le fr. 16 dP (24 F), qui maintient le Bien dans la sphère des entités intelligibles, tout en le plaçant dans une condition de supériorité par rapport au plan intelligible « standard ». De cette manière, Numénius peut réaffirmer que le Premier dieu est le Bien en soi, différent du « bon » démiurge et que, par conséquent, non seulement les deux sujets sont distincts l’un de l’autre mais, en même temps, le Bien a une priorité ontologique et une nature causale par rapport à toute la dimension intelligible, mais n’est en aucun cas décrit comme un élément méta-ontologique.29

L’appartenance du Premier dieu à la sphère de l’être est encore comprise sur la base des dernières lignes du fragment, dans lesquelles Numénius dif­férencie deux οὐσίαι, à savoir celles du Premier et du second dieu. Cette diffé­renciation « à l’intérieur » de la dimension intelligible suggère que les premiers et les seconds dieux partagent la même nature ontologique, bien qu’à deux niveaux de perfection différents.30 Le Premier dieu est unicité absolue, alors que le démiurge participe d’une dimension dynamique de l’intelligible et joue un rôle causal direct par rapport aux réalités sensibles, d’où son nom de démiurge de la génération (δημιουργὸς γενέσεώς).31

Dans cette première partie, j’ai essayé de souligner en quel sens, pour Numénius, le Premier dieu s’identifie à l’idée que Platon se fait du Bien, comme transcendant à l’essence, mais pas au démiurge. Contrairement à Platon, pour Numénius, la transcendance du Premier dieu a une connotation purement métaphysique et cosmologique et non pas aussi éthico-politique, et, surtout, une perspectivequi est complètement absente chez Platon. Dans Numénius, le Bien prend donc les contours conceptuels d’un Premier principe de caractère théologique, c’est-à-dire d’un sommet absolu du réel. En vertu de cette condition, il reste à comprendre de quelle manière la réelle dérive du Premier principe et, surtout, quel type d’activité est attribuable au Bien.

3. Le Εστως θέος de Numénius et son activité démiurgique

L’aspect décisif qui caractérise la nature du Premier dieu est l’être simple (ἁπλοῦς),32 car il ne joue aucun rôle démiurgique. Comme nous le verrons à travers les fragments de l’œuvre numénienne, il est souligné à plusieurs reprises que le Bien n’exerce pas une action proprement causale, comme dans le fr. 12 dP (20 F).33 Dans le fr. 15 dP (23 F) on peut lire :

Telles sont les vies, l’une du Premier, l’autre du Second Dieu. C’est-à-dire que le Premier Dieu sera stable, le Second, par contre, en mouvement ; or le Premier s’occupe des intelligibles, le Second des intelligibles et des sensibles. Et ne va pas t’étonner si j’ai parlé ainsi ; car tu entendras beaucoup plus étonnant encore. A la place du mouvement inhérent au Second, je déclare que la stabilité inhérente au Premier est un mouvement inné, d’où procèdent l’ordre du monde, sa fixité éternelle, et d’où le salut se répand sur l’ensemble des êtres.34

Numénius attribue au Premier et au second dieu deux types d’activités différentes qui apparaissent immédiatement.35 Le Premier dieu est dans une condition d’immuabilité, tandis que le second est dans une condition de mouvement. L’utilisation du terme ἑστώς peut être une référence au Sophiste de Platon, où l’adjectif ἑστός fait allusion à la possibilité d’être immuable, comme l’a souligné David Runia.36

La stabilité du Premier dieu se retrouve également dans le fait qu’il possède une certaine forme de mouvement (κίνησις σύμφυτος), qui ne se traduit cependant pas par une véritable activité comme l’activité démiurgique. Il semble donc que le Premier dieu possède une certaine activité mais, en même temps, sa nature est d’être simple et stable. Y a-t-il donc une contradiction dans le raisonnement de Numénius ?

Si l’on garde également à l’esprit ce que nous avons dit à propos du fr. 12 dP (20 F), on voit comment Numénius cherche à exclure le Premier dieu non pas du mouvement au sens absolu, en ce sens qu’elle se caractérise par une forme d’intellection, mais plutôt de l’activité démiurgique. Le Premier dieu, Bien que est stable et simple, a néanmoins une activité qui est pensée, comme une activité noétique originelle. La stabilité du dieu est une garantie de l’ordre cosmique dans la mesure où celui-ci dépend, bien qu’indirectement, de l’activité du Bien qui, comme nous le verrons plus précisément par la suite, exerce une forme de causalité indirecte sur toutes les réalités inférieures.

Pour mieux comprendre comment agit le Premier dieu, il faut se référer à nouveau au fr. 16 dP (24 F). Comme nous l’avons vu plus haut, le second dieu est désigné comme le démiurge du devenir, alors que le Premier dieu est le principe de l’essence. Numénius dit en fait qu’il est cause (αἴτιον) par rapport à l’essence ; il se trouve donc dans la position de principe. En se référant également au fr. 2, cette relation entre dieu et l’essence peut être expliquée par le fait qu’il n’est pas identifié à une οὐσία particulière mais, au contraire, qu’il se tient comme le fondement ontologique de l’essence elle-même.

Le Bien, puisqu’il n’est identifié à aucune Idée particulière, est une sorte de principe du tout intelligible, en ce sens qu’il est dans une condition de supériorité par rapport à l’essence « unique » et que, en même temps, il fonde ontologiquement les Idées, qui se situent plutôt au niveau du second dieu, comme modèles du monde, c’est-à-dire le pensées du dieu demiurge.37 Cet aspect semble, à mon avis, avoir été saisi par Proclus qui, dans un passage célèbre de son Commentaire sur le Timée de Platon, met précisément en évidence cet aspect de la doctrine numénienne :

Numénius fait correspondre le premier Dieu à « ce qui est le vivant » et il dit que ce premier intellige en utilisant additionnellement le second ; il fait correspondre le second Dieu à l’Intellect et dit que ce second crée en utilisant à son tour additionnellement le troisième ; il fait correspondre le troisième Dieu à l’Intellect qui use de l’intelligence discursive.38

Ce qu’il est intéressant de comprendre dans ce célèbre passage, c’est le sens à attribuer à la πρόσχρησις, c’est-à-dire la relation de dépendance des réalités inférieures à l’égard des réalités supérieures. Bien que Proclus tende à simplifier le schéma de Numénius selon une stricte systématicité, il est possible de retrouver le sens général de son récit à partir de ce que nous avons appris jusqu’ici sur le rôle du Premier principe.

L’identification du Premier dieu au vivant est une juxtaposition entre le Bien et le paradigme du Timée sur la base de l’interprétation du célèbre passage 39e7-9, où le Premier dieu correspond au monde eidétique qui, dans le dialogue, est le modèle auquel le démiurge se réfère pour composer le monde. Mais comment concilier le fait que le Premier dieu est bon en soi et en même temps un être vivant, ce qui suppose une multiplicité intrinsèque au principe lui-même ?39 Il faut dire que cette identification du Bien au paradigme du Timée ne vient que de Proclus, alors que dans d’autres passages du Περὶ τἀγαθοῦ le Premier principe est désigné comme un principe unique. Néanmoins, il est à mon avis possible de comprendre le Premier dieu comme une sorte de monde des Idées non encore déployé, un noyau originel d’où jaillissent les Idées dans leur singularité déterminée à un niveau inférieur de l’intelligible.40

Un lien entre les différents domaines de la réalité émerge du fr. 22 dP (30 T). Ici aussi, nous disposons de plusieurs études sur le sujet, mais je pense qu’il est possible de prendre ce fragment comme point de départ pour clarifier le type de causalité que le Premier dieu exerce sur les réalités inférieures. Le concept de πρόσχρησις fait allusion au fait que le Premier dieu utilise - pour ainsi dire - le second dieu pour exercer son action causale sur le réel.41 En effet, si l’on pense aux célèbres métaphores de Numénius, comme celle du pilote de navire en fr. 18 dP (26 F) ou celle des semailles en fr. 13 dP (21 F), elles semblent toutes faire allusion à une condition dans laquelle le Premier dieu est détaché de toute action causale directe, déléguée au démiurge.

Pour Numénius, le Premier dieu ne prend pas part à l’action démiurgique, mais « délègue » le second dieu pour qu’il agisse. Cette caractéristique est également présente, par exemple, dans le fr. 52 dP, où Calcidius définit le rôle du dieu en tant qu’ordonnateur de la matière en l’appelant deus digestor.42 Dans sa vision de la relation dieu-matière, le Premier dieu ne joue aucun rôle, en vertu de sa nature simple et statique, mais le second, dont la tâche est précisément d’ordonner la matière.

Il reste à comprendre en quel sens le Premier dieu est une cause. À plusieurs reprises, Numénius parle du démiurge en termes de cause seconde, ce qui suggère l’existence d’une cause première, comme le reflète le fragment 16 dP (24 F). Si nous gardons à l’arrière-plan la fonction du Bien dans la République, à savoir celle d’une Idée supérieure aux autres, nous pouvons comprendre en quel sens le Premier dieu est αἴτιον.43 En effet, le démiurge réalise son essence par la contemplation de soi-même et du Premier dieu, et le Premier dieu agit par l’intermédiaire du démiurge pour mettre de l’ordre dans le cosmos. Cette activité contemplative vers une réalité supérieure et « extérieure » détermine une dépendance ontologique du second dieu par rapport au Premier.

Le Bien est donc un principe qui ne joue aucun rôle direct dans l’action démiurgique, mais qui sert de fondement ontologique au second dieu, lequel agit comme médiateur pour exercer la causalité du Premier dieu sur les réalités inférieures. En ce sens, nous comprenons également le fait que le Premier dieu est responsable, en un certain sens, de l’ordre cosmique : il agit par le simple fait d’être. Son existence même est l’aspect originel dont dépend toute la chaîne causale qui trouve son aboutissement dans l’ordonnancement de la matière. Un dernier fragment de Proclus mérite d’être cité à cet égard :

Numénius proclame trois dieux et appelle le premier « Père », le second « Créateur », le troisième « Création » ; car le Monde, pour lui, est le troisième Dieu ; dès lors, son démiurge est double, le Premier Dieu et le second, et le Monde créé est le troi­sième Dieu. Mieux vaut, en effet, s’exprimer ainsi que de parler comme lui, en style tragique, d’ « aïeul», de « fils », de « petit-fils ». Eh bien ! à tenir pareil langage, on met à tort le Bien au nombre des causes susdites, car le Bien n’a pas dans sa nature de faire couple avec quoi que ce soit ni d’être inférieur en rang à autre chose.44

Proclus reprend ici la distinction classique entre créateur et père que nous avons déjà vu mise en pratique par Numénius dans fr. 17 dP (25 F). L’explication du système de Numénius par Proclus est celle d’une hiérarchie d’entités qui voit dans le Premier et le second dieu des entités démiurgiques.45 En effet, si l’on revient encore au fr. 16 dP (24 F), on trouve la définition du Bien comme démiurge de l’essence (δημιουργὸς τῆς οὐσίας).

En définissant le Premier dieu comme le démiurge de l’essence, Numénius semble lui attribuer une caractéristique démiurgique, qui devrait au contraire être étrangère au Premier dieu. Cependant, si l’on considère l’ensemble des passages que nous avons analysés, on comprend que la démiurgie attribuée au Premier dieu n’est pas une activité poïétique tout court.

À ce stade, nous pouvons conclure que la nature causale du Premier dieu doit être lue dans le sens d’une fondation métaphysique des réalités inférieures, ce qui n’implique pas un changement substantiel dans la nature du Premier principe, dont la seule activité est l’auto-pensée. Le rôle du Premier dieu en tant que cause concerne son pouvoir fondateur par rapport aux réalités inférieures. L’existence du Premier dieu et sa nature sont ce qui rend possible la subsistance ontologique du démiurge et, indirectement, du cosmos lui-même. En ce sens, on peut alors parler du Premier dieu comme d’une cause, tout en soulignant son être immuable et simple. La causalité du Premier dieu est une causalité ontologique, en ce sens qu’elle fonde l’essence du second, le dieu démiurgique, qui participe, par la pensée, au Premier. Le second dieu, quant à lui, agit comme un véritable démiurge, dans la mesure où son action est générative à l’égard du cosmos.

Numénius franchit une étape décisive dans l’histoire du platonisme en tentant de justifier une distinction entre le Premier et le second dieu que d’autres auteurs avant lui n’avaient pas théorisé. Le défi de Numénius est de maintenir dans le principe une notion de cause et de simplicité ontologique, tout en maintenant l’activité du second dieu. Les différents fragments analysés font apparaître une structure métaphysique complexe, qui s’articule de manière problématique à travers différents niveaux, mais qui semble confirmer, à travers les différentes sources, le caractère à la fois originel et actif du Premier principe.

4. Conclusions

L’action du Premier dieu est décrite par Numénius comme une action causale à tous égards. Néanmoins, comme nous l’avons vu dans l’étude des fragments, l’essence du Premier dieu chez Numénius ne semble pas être immédiatement rattachée à son rôle de cause. En effet, nous avons d’abord vu que l’essence du Premier dieu est celle de « l’être en soi », c’est-à-dire le point le plus élevé dans la hiérarchie ontologique du réel. Le Bien est un être Premier au sens métaphysique et donc accessible d’un point de vue gnoséologique. Numénius souligne à plusieurs reprises que le fait que le Premier dieu soit l’être (et ne transcende donc pas le plan de l’être) en fait une entité concrète, accessible à l’homme par le phronein. Numénius esquisse ainsi l’essence du Bien comme celle d’un principe connaissable, même si ce n’est que par quelques-uns.

Le rôle causal du Premier dieu peut également être résolu si les fragments sont analysés dans leur ensemble. Numénius parle du Bien comme d’une « cause » dans le sens d’un fondement ontologique, c’est-à-dire comme le niveau intelligible originel. Néanmoins, le Premier dieu ne peut agir causalement au sens cosmologique et utilise pour cela le démiurge. Cependant, l’action fondatrice du Bien se comprend aussi à la lumière du fait que Numénius nous informe que le Premier dieu est le garant de l’ordre cosmique, évidemment à travers l’activité du démiurge. Numénius utilise un lexique de la causalité pour esquisser l’essence du Premier dieu et montrer qu’il y a une tension à la fois dans la pensée et dans la définition de la natu­re du Premier principe. Le fait que le Premier dieu soit aussi le démiurge de l’essence montre la tension du lexique utilisé par Numénius, pas encore complètement détaché du lexique du moyen platonisme, mais déjà projeté vers les concepts qui seront plus tard définitivement développés par Plotin.

Bibliographie

Sources anciennes

Alcinoos, Enseignement des doctrines de Platon, intr., texte établi et comm. John Whittaker, trad. Pierre Louis, Paris, Les Belles Lettres, 1990. [ Links ]

Numénius, Fragments, texte établi et trad. Éduard Des Places, Paris, Les Belles Lettres, 1973. [ Links ]

Platon, La République, traduction, introduction et notes George Leroux, Paris, GF Flammarion, 2004. [ Links ]

Platon, Le Sophiste, traduction et présentation Nestor-Luis Cordero, Paris, GF Flammarion, 2007. [ Links ]

Sources modernes

Baltes, Matthias, “Numenios von Apamea und der platonische Timaios”, Vigiliae Christianae, 29/4, 1975, pp. 241-270. [ Links ]

Baltes, Matthias, “Is the Idea of Good in Plato’s Republic beyond Being?”, in Mark Joyal (ed.), Studies in Plato and the Platonic Tradition. Essays Presented to John Whittaker, London/New York, Routledge, 1997, pp. 3-23. [ Links ]

Beierwaltes, Werner, „Einung mit dem Einen oder die Aufhebung des Bildes: Plotins Mystik“, dans Werner Beierwaltes, Denken des Einen. Studien zur neuplatonischen Philosophie und ihrer Wirkungsgeschichte, Frankfurt am Main, Vittorio Klostermann, 1985, pp. 123-147. [ Links ]

Bonazzi, Mauro, “Un lettore antico della Repubblica: Numenio di Apamea”, Méthexis, 17, 2004, pp. 71-84. [ Links ]

Centrone, Bruno, “Medioplatonismo e Neopitagorismo: un confronto difficile”, Sistema, tradizione, esegesi. Il Medioplatonismo. Rivista di Storia della Filosofia, 70/2, 2015, pp. 399-424. [ Links ]

Dillon, John, “Numenius: Some ontological questions”, Bulletin of the Institute of Classical Studies, 50, Supplement, 94/2, 2007, pp. 397-402. [ Links ]

Dillon, John, I Medioplatonici. Uno studio sul Platonismo (80 a.C.-220 d.C.), trad. it. Emmanuele Vimercati, Milano, Vita & Pensiero, 2010. [ Links ]

Dillon, John, “The Ideas as Thoughts of God”, Études Platoniciennes, 8, 2011, pp. 31-42. [ Links ]

Donini, Pierluigi, Le scuole, l’anima, l’impero: la filosofia antica da Antioco a Plotino, Torino, Rosenber & Sellier, 1982. [ Links ]

Donini, Pierluigi, “La connaissance de Dieu et la hiérarchie divine chez Albinos”, dans Roel van den Broek, Tjitze Baarda et Jaap Mansfeld (eds.), Knowledge of God in the Graeco-Roman World, Leyden, Brill, 1988, pp. 118-131. [ Links ]

Donini, Pierluigi, “Testi e commenti, manuali e insegnamento: la forma sistematica e i metodi della filosofia in età postellenistica”, in Mauro Bonazzi (ed.), Commentary and Tradition. Aristotelianism, Platonism and Post-Hellenistic Philosophy, Berlin/Boston, De Gruyter, 20112, pp. 211-281. [ Links ]

Ferrari, Franco, “Dottrina delle idee nel medioplatonismo”, in Francesco Fronterotta, Walter Leszl (a cura di), Eidos-Idea. Platone, Aristotele e la tradizione platonica, Sankt Augustin, Academia Verlag, 2005, pp. 233-246. [ Links ]

Ferrari, Franco, “L’esegesi medioplatonica del Timeo. Metodi, finalità, risultati”, in Francesco Celia e Angela Ulacco (a cura di), Il Timeo. Esegesi greche, arabe, latine, Pisa, Pisa University Press, 2012, pp. 81-131. [ Links ]

Ferrari, Franco, “Gott als Vater und Schöpfer. Zur Rezeption von Timaios 28c3-5 bei einigen Platonikern”, in Felix Albrecht and Reinhard Feldmeier (eds.), The Divine Father. Religious and Philosophical Concepts of Divine Parenthood in Antiquity, Leiden/Boston, Brill, 2014, pp. 57-69. [ Links ]

Ferrari, Franco, “Platone ha effettivamente identificato il demiurgo del Timeo e l’idea del bene della Repubblica? Riflessioni intorno a un’antica querelle filosofica”, Χῶρα, 15-16, 2017-2018, pp. 67-91. [ Links ]

Ferrari, Franco, “Il Bene e il demiurgo: identità o gerarchia? Il conflitto delle interpretazioni nel medioplatonismo”, in Maria Luisa Gatti e Pia De Simone (a cura di), Interpretare Platone. Saggi sul pensiero antico, Milano, Vita & Pensiero, 2020, pp. 239-261. [ Links ]

Flamand, Jean-Marie, “Deus otiosus. Recherches lexicales pour servir à la critique religieuse d’Épicure”, dans Odile Goulet-Cazé, Goulven Madec, Denis O’Brien (éds.), ΣΟΦΙΗΣ ΜΑΙΗΤΟΡΕΣ. Chercheurs de Sagesse. Hommage à Jean Pépin, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 1992, pp. 147-166. [ Links ]

Frede, Michael, “Numenius”, dans Wolfgang Haase und Hildegard Temporini (herausgegeben), Aufstieg und Niedergang der Römischen Welt, Teil II: Principat, Band II, 36.7, Berlin/New York, De Gruyter, 1987, pp. 1034-1075. [ Links ]

Giusta, Michelangelo, “Due capitoli sui dossografi di fisica”, in Giuseppe Cambiano (a cura di), Storiografia e dossografia nella filosofia antica, Torino, Tirrenia Stampatori, 1986, pp. 149-201. [ Links ]

Hadot, Pierre, “Théologie, exégèse, révélation, écriture, dans la philosophie grecque”, dans Michel Tardieu (éd.), Les règles de l’interprétation, Paris, Edition du Cerf, 1987, pp. 13-34. [ Links ]

Jourdan, Fabienne, “Sur le Bien de Numénius. Sur le Bien de Platon. L’enseignement oral de Platon comme occasion de rechercher son pythagorisme dans ses écrits”, Χῶρα, 15-16, 2017-2018, pp. 139-165. [ Links ]

Jourdan, Fabienne, “Une mystique de Numénius inspirant celle de Plotin ? Analyse du fragment 2 (des Places) du Περὶ τἀγαθοῦ”, dans Chiara Ombretta Tommasi, Luciana Gabriela Soares Santoprete, Helmut Seng (éds.), Hierarchie und Ritual. Zur philosophischen Spiritualität in der Spätantike, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2018, pp. 195-224. [ Links ]

Jourdan, Fabienne, “Numénius a-t-il commenté le Parménide ? Deuxième partie : Numénius et le Commentaire anonyme au Parménide”, Revue de Philosophie Ancienne, 37/2, 2019, pp. 209-280. [ Links ]

Jourdan, Fabienne, Penser et être dieu. Essais sur l’enseignement de Numénius mis en regard des Oracles chaldaïques et lu par Proclus, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2023. [ Links ]

Kenney, John Peter, “Proschresis revisited. An Essay in Numenian Theology”, in Robert Daly (ed.), Origeniana Quinta. Papers of the 5th International Origen Congress. Boston College 14-18 August 1989, Leuven, Leuven University Press, 1992, pp. 217-230. [ Links ]

Krämer, Hans Joachim, Der Ursprung der Geistmetaphysik. Untersuchungen zur Geschichte des Platonismus zwischen Platon und Plotin, Amsterdam, Schippers, 1964. [ Links ]

Longo, Angela, “Numénius d’Apamée précurseur de Plotin dans l’allégorèse de la Théogonie d’Hésiode : le mythe d’Ouranos, Kronos et Zeus”, dans Marc-Antoine Gavray et Alexandra Michalewski (éds.), Les principes cosmologiques du platonisme. Origines, influences et systématisation, Turnhout, Brepols, 2017, pp. 167-185. [ Links ]

Macris, Constantinos, “Pythagore de Samos [Compléments]”, dans Richard Goulet (éd.), Dictionnaire des Philosophes Antiques, VII : d’Ulpien à Zoticus, Paris, CNRS Éditions, 2018, pp. 1025-1173. [ Links ]

Mansfeld, Jaap, “Compatible Alternatives: Middle Platonist Theology and the Xenophanes Reception”, in Roel B. van den Broek (ed.), Knowledge of God in the Graeco-Roman World, Leiden, Brill, 1988, pp. 92-117. [ Links ]

Michalewski, Alexandra, “Le Premier de Numénius et l’Un de Plotin”, Archives de Philosophie, 75/1, 2012, pp. 29-48. [ Links ]

Michalewski, Alexandra, “Constructing Authority. A Re-examination of Some Controversial Issues in the Theology of Numenius”, in Michael Erler, Jan Erik Heßler and Federico Maria Petrucci (eds.), Authority and Authoritative Texts in the Platonist Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 2021, pp. 130-148. [ Links ]

Müller, Gabriela, “Patèr kaì poiētés: Numenio y la interpretación de Timeo 28c3”, Classica (Brasil), 22/1, 2009, pp. 45-52. [ Links ]

Müller, Gabriela, “Ιδέα y οὐσία en Numenio de Apamea. Una reinterpretación de la ontología platónica”, Cuadernos de Filosofía, 59, 2012, pp. 121-140. [ Links ]

Müller, Gabriela, “Qué es ‘lo que es viviente’ (ὅ ἐστι ζῷον) según Numenio de Apamea”, Cuadernos de Filosofía, 64, 2015, pp. 9-22. [ Links ]

O’Brien, Carl Sean, “Alcinous’ Reception of Plato”, in Harold Tarrant, François Renaud, Dirk Baltzly and Danielle A. Layne (eds.), Brill’s Companion to the Reception of Plato in Antiquity, Leiden, Brill, 2017, pp. 171-182. [ Links ]

Opsomer, Jan, “Demiurges in Early Imperial Platonism”, in Rupert Rainer Hirsch-Luipold (hrg.), Gott und die Götter bei Plutarch. Götterbilder - Gottesbilder - Weltbilder, Berlin, De Gruyter, 2005, pp. 51-99. [ Links ]

Petrucci, Federico Maria, “L’esegesi e il commento di Platone (a partire dall’esegesi della cosmogonia del Timeo)”, in Mauro Bonazzi, Pierluigi Donini e Franco Ferrari (a cura di), Sistema, tradizione, esegesi. Il Medioplatonismo. Rivista di Storia della Filosofia, 70/2, 2015, pp. 295-320. [ Links ]

Runia, David Theunis, “Witness or Participant? Philo and the Neoplatonic Tradition”, in Arie Vanderjagt and Detlev Pätzold (eds.), The Neoplatonic Tradition. Jewish, Christian and Islamic Themes, Köln, Dinter, 1991, pp. 36-56. [ Links ]

Whittaker, John, “ΕΠΕΚΕΙΝΑ ΝΟΥ ΚΑΙ ΟΥΣΙΑΣ”, Vigiliae Christianae, 23/2, 1969, pp. 91-104. [ Links ]

Whittaker, Helène, “Numenius’ fragment 2 and the literary tradition”, Symbolae Osloenses. Norwegian Journal of Greek and Latin Studies, 68/1, 1993, pp. 96-99. [ Links ]

Zambon, Marco, Porphyre et le moyen-platonisme, Paris, Vrin, 2002. [ Links ]

1 Je tiens à remercier les évaluateurs anonymes qui ont permis d’améliorer considérablement cet essai. Je tiens également à remercier l’Istituto Italiano per gli Studi Filosofici qui héberge actuellement mes recherches.

2Sur cet aspect, j’aimerais souligner l’article bien documenté de Donini 20112 selon lequel la nécessité d’une systématisation de la pensée platonicienne doit être recherchée dans le contraste avec le modèle matérialiste stoïcien. Selon Donini, en effet, à la base de la genèse du platonisme « dogmatique » il y aurait précisément la nécessité de produire une philosophie systématique qui ait une cohérence organique et qui puisse se présenter comme un modèle anti-stoïcien, ce qui n’était évidemment pas possible dans le cadre du scepticisme de la Nouvelle Académie. C’est également la ligne adoptée par Ferrari qui, pour sa part, tout en partageant la thèse de Donini que nous avons mentionnée, souligne la centralité du Timée et la façon dont ce dialogue est devenu le point de référence du médioplatonisme. Sur le Timée en tant que dialogue clé du moyen platonisme et le rôle de l’exégèse, je renvoie à Ferrari 2012, passim, et Petrucci 2015. Une thèse sensiblement différente est proposée par Hadot 1987, qui soutient que la disparition de l’Académie en tant qu’institution physique a favorisé un retour des platoniciens aux œuvres originales et, par conséquent, l’interprétation des dialogues sous une forme systématique.

3Voir, à cet égard, les études fondamentales de Donini 1982 et de Dillon 2010, qui offrent un aperçu détaillé des différentes âmes du platonisme impérial, en identifiant de véritables courants de pensée. En particulier, l’étude de Donini fournit également de précieuses indications sur le style et les différentes formes littéraires dans lesquelles les platoniciens se sont engagés. Sur ce dernier point, voir aussi Donini 20112. Le rapport entre pythagorisme et platonisme dans les siècles de l’époque impériale apparaît en revanche plus problématique, à tel point qu’il est même possible de parler d’un véritable chevauchement entre les deux courants, comme cela ressort à mon sens de l’étude fondamentale de Centrone 2015. Une autre contribution importante est celle de Macris 2018, pp. 1147-1153.

4 Voir Michalewski 2012. Elle souligne les différences substantielles qui distinguent un principe « ontologique » tel que celui de Numénius de celui de Plotin, dont la caractéristique fondamentale, comme on le sait, est d’être au-delà de l’être et de la pensée.

5Il n’est pas certain qu’Alcinoos, avant Numénius, fasse la distinction entre un Premier dieu et un second, démiurgique. Les spécialistes sont divisés sur ce point. Selon Mansfeld 1988, Donini 1988, pp. 130-131, et Ferrari 2020, pp. 245-247, Alcinoos aurait effectivement distingué un Premier et un second dieu, tandis que selon Giusta 1986, pp. 170-200, et O’Brien 2017, pp. 171-182, la distinction dans Alcinoos entre un Premier et un second principe n’est pas tenable. Sur la notion de Premier dieu dans le médioplatonisme voir aussi Whittaker 1990, p. 102, n. 181.

7Outre-la numérotation de des Places 1973 (dorénavant = dP), j’utilise également celle de la nouvelle édition de Jourdan 2023 (F = fragments ; T = témoignages).

8Voir Num., fr. 16 dP (24 F) et 20 dP (29 T). Le rôle central de la République dans la théologie de Numénius a été mis en évidence par Bonazzi 2004. Pour le titre « Sur le Bien », voir aussi les réflexions de Jourdan 2017-2018, pp. 146-151, selon laquelle il est possible que Numénius ait en quelque sorte hérité de la centralité du concept du Bien par le biais d’une référence à la célèbre conférence orale d’Aristoxène. Numénius a peut-être accepté un certain type de terminologie, qu’il rattache à un contexte pythagoricien.

9 Baltes 1975 souligne la relation entre la République et le Timée, en indiquant que ce dernier est le dialogue qui confirme en quelque sorte les doctrines présentes dans la République. En substance, selon Baltes, les concepts dérivés du Timée s’harmonisent parfaitement avec l’image de l’Idée du Bien.

10Voir Michalewski 2012, pp. 33-34. Voir aussi fr. 18 dP (26 F). Sur la tradition des « Idées pensées de Dieu » voire les récents contributions de Ferrari 2005 et Dillon 2011.

11Voir Opsomer 2005, p. 68 ; Müller 2009, pp. 45-46, et Ferrari 2014, p. 65. L’interprétation de Tim. 28c3-5 a eu un impact décisif sur toute l’histoire du platonisme, car elle se prêtait à une interprétation théologique-hiérarchique des principes métaphysiques. Comme le note Ferrari, l’identification par les platoniciens d’un theos avec la cause du cosmos, totalement absente à ce moment-là dans le Timée, a constitué le noyau théorique fondamental pour une lecture systématique des principes métaphysiques des dialogues platoniciens.

16Fr. 2 dP (11 F = Eus. Prep. Ev. XI, 18, 24 ; p. 539 c-d Viger ; II, p. 44, 4-13 Mras): Πά­λιν δὲ καὶ ὁ Νουμήνιος ἐν τοῖς Περὶ τἀγαθοῦ τὴν τοῦ Πλάτωνος διάνοιαν ἑρμηνεύων, τοῦτον διέξεισι τὸν τρόπον· Τὰ μὲν οὖν σώματα λαβεῖν ἡμῖν ἔξεστι σημαινομένοις ἔκ τε ὁμοίων ἀπό τε τῶν ἐν τοῖς παρακειμένοις γνωρισμάτων ἐνόντων· τἀγαθὸν δὲ οὐδενὸς ἐκ παρακειμένου οὐδ’ αὖ ἀπὸ ὁμοίου αἰσθητοῦ ἐστι λαβεῖν μηχανή τις οὐδεμία, ἀλλὰ δεήσει, οἷον εἴ τις ἐπὶ σκοπῇ καθήμενος ναῦν ἁλιάδα βραχεῖάν τινα τούτων τῶν ἐπακτρίδων τῶν μόνων μίαν, μόνην, ἔρη­μον, μετακυμίοις ἐχομένην ὀξὺ δεδορκὼς μιᾷ βολῇ κατεῖδε τὴν ναῦν, οὕτως δεῖ τινα ἀπελθόντα πόρρω ἀπὸ τῶν αἰσθητῶν ὁμιλῆσαι τῷ ἀγαθῷ μόνῳ μόνον, ἔνθα μήτε τις ἄνθρωπος μήτε τι ζῷον ἕτερον μηδὲ σῶμα μέγα μηδὲ σμικρόν, ἀλλά τις ἄφατος καὶ ἀδιήγητος ἀτεχνῶς ἐρημία θεσπέσιος, ἔνθα τοῦ ἀγαθοῦ ἤθη διατριβαί τε καὶ ἀγλαΐαι, αὐτὸ δὲ ἐν εἰρήνῃ, ἐν εὐμενείᾳ, τὸ ἤρεμον, τὸ ἡγεμονικὸν ἵλεω ἐποχούμενον ἐπὶ τῇ οὐσίᾳ. Εἰ δέ τις πρὸς τοῖς αἰσθητοῖς λιπαρῶν τὸ ἀγαθὸν ἐφιπτάμενον φαντάζεται κἄπειτα τρυφῶν οἴοιτο τῷ ἀγαθῷ ἐντετυχηκέναι, τοῦ παντὸς ἁμαρτάνει. Τῷ γὰρ ὄντι οὐ ῥαδίας, θείας δὲ πρὸς αὐτὸ δεῖ μεθόδου· καὶ ἔστι κράτισ­τον τῶν αἰσθητῶν ἀμελήσαντι, νεανιευσαμένῳ πρὸς τὰ μαθήματα, τοὺς ἀριθμοὺς θεασαμένῳ, οὕτως ἐκμελετῆσαι μάθημα, τί ἐστι τὸ ὄν. Traduction par des Places 1973, pp. 43-44 avec modi­fications.

17A propos de l’image homérique du navire, voir Whittaker 1993.

18Cette expression rappelle Enn. VI, 9 [9], 11, 51, φυγὴ μόνου πρὸς μόνον. Sur Plotin voir aussi l’article important de Beierwaltes 1985. D’autre part, il me semble que Zambon 2002, pp. 180-181, affirme que Numénius, Plotin et Porphyre (De abst. II.49, 1), emploient un langage identique pour exprimer l’expérience humaine du principe.

19Voir fr. 2, 16 dP (11 F). Voir l’étude de Jourdan 2018. L’auteur montre comment, chez Numénius, on ne peut pas encore parler d’un véritable mysticisme comme chez Plotin.

22Voir aussi Whittaker 1969, p. 94, et Opsomer 2005, pp. 67-68. Telle est la proposition interprétative de Jourdan 2018, pp. 211-213. Elle souligne que l’expression ἐποχούμενον ἐπὶ τῇ οὐσίᾳ indique une sorte de superposition entre le sujet connaissant et l’objet connu (le principe) qui ne peut être considérée comme une union mystique, comme celle de Plotin. Différemment, Müller met l’accent sur la transcendance du Bien par rapport à l’essence. Voir Müller 2012, p. 124. Nous conservons la traduction « transcender », mais le verbe ἐποχούμενον a le sens de « se tenir au-dessus ». Cependant, il est clair que dans une perspective telle que celle de Numénius, il est possible de parler de supériorité en termes métaphysiques et, par conséquent, de transcendance.

23Voir Frede 1987, pp. 1062-1063. Contra Frede voir Jourdan 2019, pp. 231 sgg. Selon Jourdan, le Premier dieu ne contient pas les formes, qui ne se trouvent déployées qu’au niveau du second dieu.

24Voir fr. 22 dP (30 T = Procl. in Tim. III, 103, 28-32 Diehl).

26Il me semble que c’est dans ce sens qu’il faut lire le fr. 19 (27 F) dP, dans lequel Numénius affirme que l’on peut participer au Bien par le phronein, c’est-à-dire la pensée intelligente. La possibilité de connaître le Premier principe se fait par la pensée. Ce processus, à mon avis, fait allusion à la possibilité d’une connaissance dialectique ou, en tout cas, rationnelle du Premier principe et non d’une nature mystico-esthétique.

27Fr. 16 dP (24 F = Eus. Prep. Ev. XI, 22, 3-5 ; p. 3-5 ; p. 544 a-b Viger ; II, p. 49, 13-50, 8 Mras): Εἰ δ’ ἔστι μὲν νοητὸν ἡ οὐσία καὶ ἡ ἰδέα, ταύτης δ’ ὡμολογήθη πρεσβύτερον καὶ αἴτιον εἶναι ὁ νοῦς, αὐτὸς οὗτος μόνος εὕρηται ὢν τὸ ἀγαθόν. Καὶ γὰρ εἰ ὁ μὲν δημιουργὸς θεός ἐστι γενέσεως, ἀρκεῖ τὸ ἀγαθὸν οὐσίας εἶναι ἀρχή. Ἀνάλογον δὲ τούτῳ μὲν ὁ δημιουργὸς θεός, ὢν αὐτοῦ μιμητής, τῇ δὲ οὐσίᾳ ἡ γένεσις, <ἣ> εἰκὼν αὐτῆς ἐστι καὶ μίμημα. Εἴπερ δὲ ὁ δημιουργὸς ὁ τῆς γενέσεώς ἐστιν ἀγαθός, ἦ που ἔσται καὶ ὁ τῆς οὐσίας δημιουργὸς αὐτοάγαθον, σύμφυτον τῇ οὐσίᾳ. Ὁ γὰρ δεύτερος διττὸς ὢν αὐτοποιεῖ τήν τε ἰδέαν ἑαυτοῦ καὶ τὸν κόσμον, δημιουργὸς ὤν, ἔπειτα θεωρητικὸς ὅλως. Συλλελογισμένων δ’ ἡμῶν ὀνόματα τεσσάρων πραγμάτων τέσ­σαρα ἔστω ταῦτα· ὁ μὲν πρῶτος θεὸς αὐτοάγαθον· ὁ δὲ τούτου μιμητὴς δημιουργὸς ἀγαθός· ἡ δ’ οὐσία μία μὲν ἡ τοῦ πρώτου, ἑτέρα δ’ ἡ τοῦ δευτέρου· ἧς μίμημα ὁ καλὸς κόσμος, κε­καλλωπισμένος μετουσίᾳ τοῦ καλοῦ. Traduction par des Places 1973, p. 56.

28Je me concentrerai sur la conception du Premier dieu en tant que principe et démiurge de l’essence dans le paragraphe suivant.

29Voir Müller 2015.

30Voir, par exemple, le fr. 46b dP (31 T = Syr. In Arist. Met. p. 109, 12-14 Kroll) dans lequel Jamblique attribue à Numénius l’idée qu’il y a une participation entre les intelligibles.

31Voir Müller 2015 et le commentaire de Jourdan 2023, pp. 376-379.

32Fr. 11, 13 dP (19 F).

33Voir fr. 12, 13-14 dP (20 F) dans lequel il parle du Premier dieu comme d’un roi oisif (τὸν μὲν πρῶτον θεὸν ἀργὸν εἶναι ἔργων συμπάντων καὶ βασιλέα), faisant référence à la Lettre II de Platon. Voir aussi Flamand 1992, p. 158.

34Fr. 15 dP : εἰσὶ δ’ οὗτοι βίοι ὁ μὲν πρώτου, ὁ δὲ δευτέρου θεοῦ. Δηλονότι ὁ μὲν πρῶτος θεὸς ἔσται ἑστώς, ὁ δὲ δεύτερος ἔμπαλίν ἐστι κινούμενος· ὁ μὲν οὖν πρῶτος περὶ τὰ νοητά, ὁ δὲ δεύτερος περὶ τὰ νοητὰ καὶ αἰσθητά. Μὴ θαυμάσῃς δ’ εἰ τοῦτ’ ἔφην· πολὺ γὰρ ἔτι θαυ­μαστότερον ἀκούσῃ. ᾿Αντὶ γὰρ τῆς προσούσης τῷ δευτέρῳ κινήσεως τὴν προσοῦσαν τῷ πρώτῳ στάσιν φημὶ εἶναι κίνησιν σύμφυτον, ἀφ’ ἧς ἥ τε τάξις τοῦ κόσμου καὶ ἡ μονὴ ἡ ἀΐδιος καὶ ἡ σωτηρία ἀναχεῖται εἰς τὰ ὅλα. Traduction par des Places 1973, p. 56.

35Je parle ici de l’activité du Premier en référence au fait que celui-ci, bien qu’immobile, possède une forme de vie, qui est associée au mouvement. Par ailleurs, en disant que la stabilité du Premier dieu est un mouvement inné, Numénius fait allusion à une certaine forme d’activité originelle du Premier dieu due à son statut de Nous.

36 Voir Sph. 248e-249a, ed. 2007. Comme le souligne judicieusement Runia 1991, pp. 48-49, Numénius n’utilise pas ἀκίνητον, comme le fait, par exemple, Alcinoos (voir Did. X.7, 165, 4 Hermann). Ceci est à mon avis révélateur d’une certaine distance de Numénius vis-à-vis d’Aristote, que l’on retrouve dans le fr. 24 dP (24 F).

38Fr. 22 dP (30 T = Procl. In Tim. III, 103, 28-32) : Νουμήνιος δὲ τὸν μὲν πρῶτον κατὰ τὸ ‘ὁ ἐστι ζῷον’ τάττει και φησιν ἐν προσχήσει τοῦ δευτέρου νοεῖν, τὸν δὲ δεύτερον κατὰ τὸν νοῦν καὶ τοῦτον αὖ ἐν προσχρήσει τοῦ τρίτου δημιουργεῖν, τὸν δὲ τρίτον κατὰ τὸν διανοούμενον. Traduit par des Places 1973, p. 61.

41Voir Krämer 1964, pp. 87-91. Deux interprétations originales de la πρόσχρησις ont été fournies par Kenney et Müller. Selon Kenney 1992, p. 222, les trois dieux sont chacun une expression d’un degré de divinité (degrees of divinity). Pour Kenney, le divin s’exprime de différentes manières basées sur le niveau de divinité. Gabriela Müller soutient plutôt que l’expression utilisée par Numénius contient une ambiguïté sémantique. Dire que le Premier dieu agit ἐν προσχρήσει τοῦ δευτέρου peut signifier à la fois que c’est le Premier qui utilise le second pour réaliser son activité (génitif objectif) et que c’est le second qui utilise le Premier [scil. Dieu] (génitif subjectif) ; ce second cas serait confirmé par Tim. 28a6-b2, où le démiurge utilise le paradigme comme modèle de son activité. A mon avis, on peut faire l’hypothèse que Numénius maintient cette ambiguïté sémantique parce qu’elle fonctionne. D’une part, il est logique que le Premier dieu « utilise » le second, parce que son essence doit être totalement séparée des activités impliquant des réalités inférieures ; d’autre part, le second dieu a besoin du second comme modèle pour exécuter son activité démiurgique. Voir Müller 2015, pp. 10-12. Récemment, Jourdan est également revenue sur ce point : Jourdan 2023, pp. 306-314.

42Voir fr. 52, 11 dP.

43Je suis d’accord avec Baltes 1997, p. 11. Baltes dit que l’Idée du Bien transcende seulement l’essence mais pas l’être.

44Fr. 21 dP = 19 F (Procl. In Tim. I, 303, 27-304, 7 Diehl) : Νουμήνιος μὲν γὰρ τρεῖς ἀνυ­μνή­σας θεοὺς πατέρα μὲν καλεῖ τὸν πρῶτον, ποιητὴν δὲ τὸν δεύτερον, ποίημα δὲ τὸν τρίτον· ὁ γὰρ κόσμος κατ’ αὐτὸν ὁ τρίτος ἐστὶ θεός· ὥστε ὁ κατ’ αὐτὸν δημιουργὸς διττός, ὅ τε πρῶτος θεὸς καὶ ὁ δεύτερος, τὸ δὲ δημιουργούμενον ὁ τρίτος. Ἄμεινον γὰρ οὕτω λέγειν ἢ ὡς ἐκεῖ­νος λέγει προστραγῳδῶν, πάππον, ἔγγονον, ἀπόγονον. Ὁ δὴ ταῦτα λέγων πρῶτον μὲν οὐκ ὀρθῶς τἀγαθὸν συναριθμεῖ τοῖσδε τοῖς αἰτίοις· οὐ γὰρ πέφυκεν ἐκεῖνο συζεύγνυσθαί τισιν οὐδὲ δευτέραν ἔχειν ἄλλου τάξιν. Traduit par des Places 1973, p. 60.

45Sur la métaphore parentale utilisée par Proclus et la lecture de Numénius dans les termes du Timée, je renvoie à Longo 2017, pp. 172-173, et à la discussion de Michalewski 2021, pp. 138-142, qui jette un regard critique sur la fiabilité du témoignage de Proclus.

Received: January 10, 2024; Revised: February 27, 2024; Accepted: April 02, 2024

*

Enrico Volpe is PhD Doctor Europaeus at the University of Salerno and the University of Cologne. He is publishing a book on the figure of the demiurge in Numenius of Apamea and Plotinus based on his doctoral thesis discussed in 2021. He also held some seminars and conferences in international academies and published some articles on his research interests’ topics. He currently is research fellow at the Istituto Italiano per gli Studi Filosofici of Naples as well as teaching assistant in the History of Ancient Philosophy at the University of Salerno. Enrico Volpe’s research interests include the history of Platonism and the reception of Eleatic philosophy. From September 2021 he is member of the organisational committee of “Eleatica”. He edited the volume Le vie dell’essere. Studi sulla ricezione antica di Parmenide, Academia Nomos Verlag, Baden-Baden 2022.

Creative Commons License This is an open-access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License